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Budget 2026 : les propositions de la commission des Finances pour l’agriculture

Le rapporteur spécial, Vincent Trébuchet, s’est opposé à l’adoption des crédits de la mission Agriculture, estimant que les amendements votés constituent un dérapage budgétaire trop important.

Après l’adoption d’une trentaine d’amendements en faveur notamment de l’élevage et d’un conseil agronomique indépendant, les députés ont finalement rejeté les crédits de la mission Agriculture. En cause : un dérapage budgétaire jugé trop important.

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Les députés de la commission des Finances ont consacré plus de quatre heures, le 7 novembre 2025, à l’examen de la mission Agriculture du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 (1). Un exercice qui a révélé une inquiétude transpartisane face à la baisse des crédits nationaux alloués au secteur : l’État prévoit de réduire de 11,6 % les sommes qu’il peut engager pour de nouveaux projets, et de 5 % les dépenses réellement effectuées cette année (2). Selon le premier projet de budget présenté par le gouvernement — avant les ajustements et coupes opérés dans la version finale —, la baisse des crédits de paiement atteint près de 10 %, soit environ 435 millions d’euros en moins.

Les députés n’ont pas manqué de rappeler que cette trajectoire budgétaire intervient alors que l’agriculture française fait face à des crises sanitaires récurrentes, notamment l’influenza aviaire et la dermatose nodulaire contagieuse. Et qu’elle doit répondre à un impératif de planification écologique, et au défi du renouvellement des générations. Face à ce constat, députés de gauche comme de droite ont cherché à rétablir certaines enveloppes jugées essentielles.

Soutien à l’élevage

Le secteur de l’élevage a cristallisé une large partie des débats. Par exemple, le groupe Socialistes et apparentés a proposé d’augmenter de 20 millions d’euros les crédits alloués à la modernisation des bâtiments d’élevage, afin d’améliorer la gestion des émissions polluantes et le bien-être animal.

Face aux vagues récurrentes de grippe aviaire, un amendement prévoit d’augmenter de 10 millions d’euros les crédits destinés à l’indemnisation des éleveurs touchés, permettant à FranceAgriMer de renforcer son action. La question de la protection des troupeaux contre les attaques de loups a également été abordée : 1,5 million d’euros supplémentaires sont alloués pour financer les équipements et les interventions des lieutenants de louveterie.

Dans les territoires ultramarins, 8 millions d’euros viennent revaloriser le Régime spécifique d’approvisionnement (RSA), aide pour l’alimentation animale et le soutien aux filières viandes, œufs et lait. Enfin, un amendement du groupe La France insoumise propose la création d’un nouveau programme Service de remplacement doté de 20 millions d’euros, afin de permettre aux agriculteurs de bénéficier d’un financement allant jusqu’à 28 jours par an, contre 17 actuellement.

Réduction des pesticides

Après l’échec partiel de la séparation entre vente et conseil des produits phytopharmaceutiques, les députés ont concentré leurs efforts sur le financement d’un conseil agronomique indépendant. Plusieurs amendements visent à doter ce dispositif de 50 à 70 millions d’euros, soit suffisamment pour recruter environ 1 000 ingénieurs. Ce conseil, détaché de toute logique commerciale, doit permettre aux agriculteurs de bénéficier d’un accompagnement global intégrant les dimensions agronomiques, économiques, environnementales et sanitaires.

En parallèle, le réseau des fermes Dephy, qui expérimente la réduction de l’usage des produits phytosanitaires dans près de 3 000 fermes, voit son budget augmenter de 6 millions d’euros pour atteindre 18 millions.

La question de la souveraineté alimentaire a également été posée à travers un amendement concernant la filière de la noisette. C’est la rapporteure pour avis de la commission des Affaires économiques, Manon Meunier (LFI, Haute-Vienne), qui a rappelé qu’actuellement, 88 % de la noisette consommée en France est importée, principalement de Turquie et d’Italie, où de nombreux pesticides interdits dans l’Union européenne sont autorisés. Un plan de soutien doté de 20 millions d’euros a été adopté pour développer la production française.

Dérapage budgétaire

Le rapporteur spécial de la mission, Vincent Trébuchet (UDR, Ardèche), chargé d’analyser le projet gouvernemental et de donner un avis sur les amendements déposés par ses collègues, s’est opposé à l’adoption des crédits de la mission. En effet, le budget nécessaire aux amendements adoptés constitue un dérapage budgétaire estimé à environ 900 millions d’euros.

« 200 millions d’euros sur la viticulture, 186 millions d’euros pour le FNGRA (Fonds national de gestion des risques agricoles), 100 millions d’euros pour le portage foncier, 100 millions d’euros pour l’égalité de genre dans le secteur agricole, 120 millions d’euros au total pour le conseil agronomique… », a-t-il listé parmi les sommes les plus importantes.

Selon lui, « un certain nombre de dispositifs » ne sont pas justifiés ou « auraient dû attendre des discussions futures dans des véhicules législatifs appropriés », comme le portage du foncier, ou le conseil agronomique. Par ailleurs, le député a tancé la proposition du groupe LFI, abondé à hauteur de 100 millions d’euros, pour l’égalité de genre en agriculture. L’an passé la MSA avait publié un livre blanc sur les femmes en agriculture, soulignant leurs difficultés. Le député UDR, lui, préfère « privilégier des mesures de droit commun ».

Les députés ont rejeté les crédits de la mission. Par conséquent, la version modifiée par la commission - prenant en compte les amendements adoptés - n’est pas validée. Le débat et le vote en séance publique, dans l’hémicycle, se feront donc sur la base du texte initial du gouvernement pour cette mission, tel qu’il avait été déposé. Les amendements adoptés en commission ne sont pas perdus : ils seront probablement redéposés par les députés pour être discutés lors de l’examen en séance, prévu le 20 novembre.

(1) Le projet de loi de finances est le texte par lequel le gouvernement soumet chaque année au Parlement le budget de l’État. La mission Agriculture regroupe l’ensemble des crédits destinés au secteur : soutien aux exploitations, gestion des crises sanitaires, politiques de modernisation et de transition écologique. La commission des Finances examine ces crédits avant leur passage en séance publique. Les amendements adoptés en commission devront ensuite être validés en séance publique, puis examinés par le Sénat. (2) Il existe deux types de crédits dans le budget de l’État : les autorisations d’engagement, qui correspondent à ce que l’État s’autorise à promettre ou à planifier pour les années à venir, et les crédits de paiement, qui représentent les sommes effectivement dépensées dans l’année.

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